Une Tour Eiffel à 1700 mètres de profondeur en 3D !

En décembre 2015, les techniques et algorithmes de reconstruction 3D développés par les ingénieurs de l’Ifremer pour perfectionner l’observation du champ hydrothermal Lucky Strike ont permis de produire un modèle visuel haute résolution 3D d’une source hydrothermale de cette zone, appelée Tour Eiffel. Les images, issues de la caméra principale HD du ROV Victor 6000, ont été réalisées d’après une trajectoire bien définie, permettant de couvrir entièrement la structure de la cheminée. L’innovation réside dans la reconstruction géoréférencée à partir d’images successives d’une seule caméra en déplacement (« structure-from-motion »).

En avril 2015, 40 chercheurs ont embarqué à bord du navire de l’Ifremer Pourquoi pas ?. L’objectif ? Mener la campagne océanographique MOMARSAT au large des Açores, sur la dorsale médio-atlantique, à 1500 km des côtes portugaises. Grâce au robot sous-marin téléguidé, le ROV Victor 6000, les scientifiques ont pu explorer la biodiversité à 1700 mètres de profondeur, là où s’élèvent des geysers, dans un champ hydrothermal nommé Lucky Strike. Ces fumeurs noirs crachent une eau à 350 °C, très chargée en soufre et métaux lourds.

Dans ce milieu à priori toxique et privé de lumière, la vie est pourtant bien présente !  En décembre 2015, les techniques et algorithmes de reconstruction 3D développés par les ingénieurs de l’Ifremer pour perfectionner l’observation de ce site ont permis de produire un modèle visuel haute résolution 3D d’une source hydrothermale de cette zone, appelée Tour Eiffel.  Les images, issues de la caméra principale HD du ROV Victor 6000, ont été réalisées d’après une trajectoire bien définie, permettant de couvrir entièrement la structure de la cheminée. L’innovation réside dans la reconstruction géoréférencée à partir d’images successives d’une seule caméra en déplacement (« structure-from-motion »). 

4600 images traitées

Ainsi, 4600 images ont été traitées dans un seul processus composé de plusieurs étapes, incluant la compensation des artefacts liés à l’éclairage artificiel et à l’atténuation des couleurs dans l’eau de mer. Le modèle 3D donne un aperçu global et complet de la scène, il atteint ponctuellement une résolution millimétrique. Le modèle permet d’interpréter l’information visuelle en rapport avec le relief, de revisiter les cibles d’intérêt et de réaliser des mesures géométriques pour dimensionner des éléments de la scène.

« Ces techniques de reconstruction 3D ont d'abord été développées pour l'aérien. Il y a encore très peu de travaux réalisés pour l’observation sous-marine, surtout à ce niveau de haute résolution », souligne Aurélien Arnaubec, ingénieur au Service Positionnement, Robotique, Acoustique et Optique (Centre Ifremer Méditerranée à la Seyne sur Mer).
« Pour les chercheurs, cela représente une évolution majeure dans l'analyse quantitative des sites hydrothermaux. Sans cet outil, il n'est pas possible - de manière non invasive -d'avoir une vue d'ensemble de la source hydrothermale et d'évaluer précisément les tailles et la surface des zones à étudier. »

Observer la faune marine et son évolution

« En 2010, nous avons mis en place un observatoire pour mieux étudier le champ hydrothermal Lucky Strike, explique Marjolaine Matabos, chercheure au laboratoire Environnement Profond (Centre Ifremer Bretagne à Brest).  « MOMARSAT 2015 était la sixième campagne océanographique qui avait pour objectif la maintenance annuelle de l’observatoire de fond de mer. Ce projet scientifique étudie les processus hydrothermaux, tectoniques, volcaniques et les écosystèmes d'un site hydrothermal actif, dans le cadre du réseau européen EMSO (European Multidiciplinary Subsea  Observatory).»

« Nous observons la distribution de la faune et la structure de l'édifice dans le temps» souligne Marjolaine Matabos. « Nous avons prévu de réaliser cette reconstruction tous les 2 ans, voire tous les ans. Couplée aux instruments de l'observatoire (sondes de températures, sismomètres), la visualisation 3D nous permettra de mieux comprendre le rôle des changements environnementaux sur la dynamique de la faune. L’été 2016, lors de la prochaine campagne MOMARSAT, nous allons déployer une chaîne de thermistances. Cette chaîne est composée d’une centaine de sondes de température espacées de 50 cm et connectée au nœud de l'observatoire autour de l'édifice pour suivre l'évolution de la température autour de la structure. La reconstruction 3D nous permet d’obtenir une mesure précise de la taille des surfaces. Nous sommes ainsi capables de détecter des petits changements. Jusqu'à maintenant, nous avions une image biaisée des surfaces, très limitée en 2D. »

Ci-dessous, une animation interactive.